LES ATELIERS

Depuis septembre 2015, un Atelier de Création Théâtrale a lieu le dimanche tous les 15 jours, de 10h à 17h.
Il concerne un groupe de 18 à 22 participant(e)s non-professionnels.
Cet atelier est dirigé par Christian TAPONARD assisté de Marie-Hélène SALLER.

 

Les objectifs sont multiples et convergents :

 Pour aider les acteurs à accepter de continuer à être, c’est-à-dire de travailler sur la seule force de la présence, dans ces temps de non-parole, dans ces arrêts ou ces accidents de la pensée (parfois même dans la révolte de cette pensée et des mots qu’elle génère), l’utilisation de musique, de sons, d’événements sonores (enregistrés ou produits en direct par les acteurs) - jamais dans le souci d’une illustration des situations, mais bien davantage dans une volonté d’accompagnement - permet de créer une mise en abyme, un contrepoint...

Parallèlement, le travail avec les stagiaires sur les rythmes de la parole, sur le parlé chanté, sur le chœur, sur le chant, renforce la cohésion du groupe et recentre sur une mise en commun des énergies et de l’appropriation des textes... 

On pourrait affirmer que ce n’est pas l’acteur qui « entre dans la peau du personnage » (formule galvaudée et vide de sens) mais plus justement que c’est le personnage qui « entre dans la peau de l’acteur », aboutissement de ce formidable travail d’ingestion et de mise en mouvement et en énergie des mots qui deviennent alors des paroles vivantes mettant en jeu des relations, des tensions, des conflits avec les autres protagonistes d’une scène...

 

D’ailleurs, cette expression, véritable source de malentendus, peut encore trop souvent amener les élèves à travailler sur l’imitation et non plus sur l’incarnation.

 

Comment l’acteur peut-il combattre toute dérive comportementaliste, toute tentation de baser exclusivement son travail d’interprétation autour de la construction du personnage, c’est-à-dire autour d’une histoire personnelle du personnage qui serait éclairée par des causes psychologiques, purement événementielles ou exclusivement relationnelles, ce qui serait fortement réducteur quand on aborde certaines dramaturgies comme celle de Michel VINAVER, Louis CALAFERTE, Ödön von HORVÁTH, Rainer Werner FASSBINDER, Georg BUCHNER, Stéphanie MARCHAIS, Roland SCHIMMELPFENNIG, Martin CRIMP, Werner SCHWAB, Alejandro JODOROWSKY, Félix MITTERER, Ernst TOLLER, Juan MAYORGA, Ferdinand BRUCKNER, Marion AUBERT, Thomas BERNHARD, Falk RICHTER, Alexandra BADEA, Gwendoline SOUBLIN, Magali MOUGEL, Grégory PLUYM, Pauline PEYRADE, Julie AMINTHE, Jean-Claude GRUMBERG...

C’est la raison pour laquelle les textes abordés lors des stages mettent en jeu des situations conflictuelles fortes.

 

Dans tous les textes, le naturalisme est ainsi radicalement évacué pour laisser place à l’efficience cruelle, dramatique, tragi-comique et obstinément vivante de la parole.

 

L’espace du Théâtre ne peut exister qu’à toutes ces conditions-là, et amener les jeunes élèves qui sont encore bien davantage dans cette peur du silence à privilégier l’être et à se méfier du faire est un des objectifs centraux de tout apprentissage de la pratique théâtrale.

 

Derrière l’espace clos des conflits privés, bat le cœur du monde ; et c’est en tenant compte de cet espace en arrière-plan de l’espace où se déroule le conflit théâtral que l’acteur entrera dans une dimension universelle, non figée, de son interprétation.

 

La scénographie particulière, inventée pour chaque mise en jeu, donne aux acteurs et à leur metteur en jeu un cadre qui les éloigne d’emblée de toute tentation naturaliste, du recours à des accessoires ou à des meubles qui les distrairaient de l’essentiel, c’est-à-dire de la simple et forte présence de leur corps dans l’espace vide, face à d’autres corps.

 

Chaque acteur est unique et interprète donc un personnage en partant de son propre rapport au monde, de son expérience de vie spécifique, tout en étant absolument à l’écoute de l’écriture théâtrale, en état de réceptivité et d’imprégnation, mais sans jamais renier ce qui le constitue en tant qu’être singulier et irremplaçable...

Un personnage n’existe, dans le temps de la répétition et de la représentation, que parce qu’il est porté par cet acteur singulier et, pris en charge par un autre acteur, il est naturellement différent...

L’interprète, quelle que soit son expérience, ne peut donc se placer que dans l’engagement le plus exigeant et le plus sincère qui lui permettra de donner vie au texte tout en le donnant en partage.

L’écoute et l’adresse demeurent des fondamentaux incontournables ; ils constituent la condition absolue de l’accès au sens et à la poétique des textes et des univers abordés...

Il est vraiment  important que les stagiaires prennent conscience qu‘ils ne peuvent pas faire l’économie de cette étape dans leur travail avec les élèves, sous prétexte de priver ceux-ci du commencement du chemin.

Si ce premier pas est négligé, les interprètes ne peuvent entrer dans la matière textuelle et la transformer en parole vivante et agissante, en se trouvant déjà impliqués dans un jeu d’échanges avec le ou les partenaires. S’ils manquent cette marche fondatrice, ils ne seront que dans la fabrication, l’imitation et le cliché.

Nous avons donc inlassablement continué à insister sur l’importance qu’il y a de substituer à une analyse littéraire conventionnelle une mise en perspective dramaturgique des textes abordés, du genre théâtral auquel ils appartiennent, du contexte historique, politique et socio-économique qui sous-tend l’œuvre.

Un travail de longue haleine, qui vise une forme d’excellence et a pour ambition de développer, comme le disait Antoine VITEZ, « un théâtre élitaire pour tous », ou comme nous pouvons l’affirmer un théâtre populaire, construit sur la plus haute et la plus joyeuse des exigences.

Christian TAPONARD